On peut dire, sans risque de se tromper beaucoup, que la naissance de la vigne remonte à la plus haute antiquité. Elle se perd même dans la nuit des temps, puisqu'il est vraisemblable qu'elle soit apparue sur terre bien avant l'homme lui-même ! Et en de nombreuses régions, pour ne pas dire sur tous les continents.
A ses débuts, la vigne n'était qu'une vigne sauvage qui ne donnait, vraisemblablement, que des
grains acides, impropres à la consommation et plus encore, il va de soi, à la fabrication du
vin. Mais peu à peu, cependant, cette vigne préhistorique
se modifia,
s'améliora pour engendrer, au cours des siècles, les cépages que nous connaissons
aujourd'hui...
Si nous savons que les premiers plants de vigne sont nés il y a des millénaires, nul ne sait cependant comment le vin a fait son apparition ! Les experts pensent qu'il est né accidentellement : quelques grains de raisin oubliés dans un récipient par un quelconque homme des cavernes, et qui fermentèrent... De là à penser que l'un de nos très lointains ancêtres le goûta, trouva le jus à son goût, il n'y a qu'un pas !
Une chose, toutefois, est certaine : les anciens Egyptiens connaissaient et appréciaient tout particulièrement le vin, comme en témoignent de nombreuses fresques, vieilles de plus de six mille ans. Ces fresques relatent par le détail, les soins amoureusement donnés à la vigne par des viticulteurs hautement qualifiés, ainsi que la vinification proprement dite.
A leur tour, les Grecs, et un peu plus tard les Romains, découvrirent les vertus du vin. Vin qu'ils obtenaient grâce au pressoir avec lequel ils écrasaient les olives. Les Pressoirs à vis en bois, tels que l'on peut en voir encore dans nos campagnes, ne firent leur apparition que plus tard. Grecs et Romains hissèrent le vin à la hauteur d'une divinité que les premiers baptisèrent Dionysos, et les seconds, Eaichus. Les propriétés stimulantes du vin ne leur échappèrent pas. Ils y voyaient là un moyen de s'associer aux divinités et d'oublier (pour un temps !) leur modeste condition humaine.
Quant à nos ancêtres les Gaulois, ils firent connaissance avec le merveilleux breuvage grâce à l'installation dans la vallée du Rhône, et tout particulièrement à Massilia (l'antique Marseille), de marchands grecs. Ceux-là mêmes qui plantèrent le premier vignoble sur le sol de France, au sixième siècle avant Jésus-Christ. Vinrent ensuite les légions de César qui, ayant envahi la Gaule, plantèrent de la vigne dans chaque région où elles dressèrent leurs tentes. Ainsi naquirent les vignobles d'Alsace, de Bourgogne, de Champagne, de la Vallée de la Loire, du bassin parisien et du Bordelais. Entre-temps, les Gaulois, imaginatifs, avaient inventé le tonneau en bois. Une remarquable découverte qui permettait de mieux conserver le vin et de le transporter avec une sécurité que n'offraient pas les amphores romaines en terre cuite !
Les invasions barbares, et en particulier les hordes d'Attila, portèrent des coups sévères aux vignobles européens. Qui sait qu'Attila se vantait que derrière son passage, l'herbe' ne repoussait pas... Elle repoussa cependant. Et avec elle, la vigne. Car on se mit à la replanter de plus belle et dans de nombreuse régions, absentes aujourd'hui du catalogue des œnologues : Bretagne, Normandie, Picardie, Flandres, Belgique...
L'Eglise, au début réticente, car elle se méfiait de l'abus du vin et réprouvait tout
naturellement les beuveries, en vint peu à peu à encourager la plantation de nouveaux
vignobles. Considéré comme une boisson sacrée, le vin (symbole du sang du Christ)
reçut des soins attentifs de la part d'un grand nombre de confréries religieuses. Les moines
vignerons cultivèrent la vigne autour des monastères et des abbayes avec beaucoup d'attentions
et d'intelligence. Ce sont eux qui firent accomplir les plus grands progrès à la viticulture.
Il faut dire aussi, pour être tout à fait honnête, que (outre son caractère
sacré) le vin constituait pour les bons moines une source de bénéfice non
négligeable ! Mais passons sur ces mercantiles considérations pour ne retenir qu'une chose :
les moines vignerons se révélèrent de remarquables vinificateurs. N'est ce pas à l'un
d'eux, Dom Pérignon, que l'on doit le perfectionnement de la prise de mousse
? Un
perfectionnement qui devait conduire tout droit à ce roi des petites fêtes comme des grandes
cérémonies : le champagne... Nous l'avons dit, après les grandes invasions qui avaient
tout rasé, on avait planté des vignes un peu partout. Or, avec le temps, on se rendit compte
que certaines régions n'étaient guère favorables à la production du vin. Aussi,
dès la fin du Moyen-âge vit-on disparaître, les uns après les autres, les
vignobles bretons, normands et ceux du nord de la France. Le perfectionnement des moyens de transport et
l'amélioration des autres vignobles français permettaient enfin de répondre aux besoins
de la population et de consacrer des terres peu vineuses
à des cultures, plus
appropriées (pommes de terre, betteraves, artichauts, maîs, etc...).
Malgré cela, au temps de Louis XIV, le vignoble français occupait 2 300 000 hectares. Soit plus
du double du vignoble actuel ! Et ce pour un pays qui comptait deux fois moins d'habitants... La
révolution de 1789 démantela la structure féodale du vignoble. Le nombre des petits
propriétaires vignerons s'accrut avec la vente des biens nationaux... au grand dam des seigneurs
qui durent, bien souvent à contrecœur, abandonner leurs privilèges en la matière !
L'apparition du chemin de fer, au XIXe siècle, favorisa la montée
sur Paris de
quelques grands vins régionaux, tels les Bordeaux, ceux du Rhône et de la Loire, ou encore les
vins de Bourgogne. Leur qualité s'imposa immédiatement auprès des Parisiens qui y
prirent goût. On les comprend... A Paris, justement, seul le petit vignoble de la commune
libre de Montmartre
témoigne (du moins par la quantité) de sa splendeur
moyenâgeuse...
Un grand malheur pour les vignobles français survint à la fin du siècle dernier. Plus exactement un jour de 1864. Le jour où un cargo introduisait sur notre territoire un minuscule puceron qui avait élu domicile dans la cargaison de cépages américains que le bâtiment transportait. Ce puceron (le phylloxéra vastarix) s'attaqua avec tant d'ardeur aux vignobles français qu'il faillit l'anéantir ! Un million d'hectares de vignes disparurent en vingt ans ! Dans le Bordelais, la Champagne, la Bourgogne, le midi et la vallée du Rhône, les feuilles jaunissaient et le raisin tombait avant même qu'il soit mûr... Des dizaines de milliers de vignerons furent sinistrés et beaucoup ne se remirent pas de la catastrophe. Nombreux furent ceux qui abandonnèrent définitivement la culture de la vigne pour chercher un emploi en ville. A suite de cette catastrophe nationale, un certain nombre de vignobles disparurent définitivement de la carte du vin. D'autres (heureusement) mirent tout de même plusieurs dizaines d'années à se reconstituer. La situation, qui paraissait désespérée, s'améliora toutefois le jour où l'on parvint à greffer des plants français sur des pieds américains résistant au phylloxéra. Mais que de drames ce maudit insecte n'avait-il pas suscités...
Aujourd'hui, les machines et les techniques ont sensiblement modifié le travail de la vigne. Le
cheval a cédé la place au tracteur enjambeur, l'hélicoptère pulvérise les
insecticides sur les rangées régulières de ceps et les gais vendangeurs du passé se
sont effacés devant les énormes machines à vendanger... Le vin, s'il a ses
détracteurs, a aussi une immense cohorte d'admirateurs ! Nombreux, en effet, sont ceux qui l'ont
chanté. De Rabelais Jamais homme noble ne hait le bon vin
, à Victor Hugo Dieu
n'avait fait que de l'eau, l'homme a fait le vin
, en passant par Diderot, Baudelaire... et bien
d'autres illustres et contemporains ! II est vrai que les vins de France sont incomparables... Ce sont
sans doute nos meilleurs ambassadeurs à l'étranger.